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Introduction

 

II s'agit d'un passe-temps agréable et l'apprentissage de quelques nœuds simples est à la portée de tous. (John Hensel—The Book ofOmamental Knots, p. 198)

 

Toute personne, quel que soit son âge, son sexe ou son origine ethnique, peut apprendre à faire des nœuds. Les gens qui s'en prétendent incapables n'ont tout simplement pas essayé. Ils se débrouillent tant bien que mal au moyen de ruban adhésif, d'épingles de sûreté et de colle, de bandes élastiques, d'agrafes et de fermetures à glissière, ou encore ils font appel au talent des autres. Voilà qui est dommage, parce qu'ils se privent ainsi de beaucoup de plaisir et de satisfaction. Chacun devrait connaître au moins quelques nœuds. De plus, il y a des limites à dépenser de l'argent durement gagné pour acheter des gadgets brevetés dont la fabrication consomme de précieuses ressources naturelles, quand un morceau de corde ou de ficelle et quelques nœuds appropriés feraient parfaitement l'affaire ou donneraient même de meilleurs résultats.

 

Comme vous le constaterez dans ce livre, l'apprentissage d'un simple nœud peut mener facilement, en ajoutant un tour ou un passage, à la maîtrise de nœuds plus élaborés qui en dérivent. En effet, les divers nœuds d'ajut, d'amarrage, d'arrêt et à boucle sont judicieusement regroupés selon l'apparence ou le schéma, indépendamment de leur usage. Les nœuds sont plus faciles à apprendre lorsque leurs relations de parenté sont évidentes. Par exemple, le nœud de chaise (un nœud à boucle) est plus proche du nœud d'écoute (un nœud d'ajut) que de certains autres nœuds à boucle, qui n'en sont que des cousins éloignés. De même, un simple passage distingue le solide nœud constricteur (un nœud d'attache) de la demi-clef à capeler (un nœud d'amarrage).

 

L'apprentissage des nœuds

 

II n'est pas nécessaire d'être un adepte de la navigation pour apprendre à faire des nœuds. En fait, la plupart des embarcations modernes, avec tout leur gréement et leurs accessoires usinés, laissent peu de place au matelotage. Mais dans bien des circonstances, au travail ou dans les loisirs, la capacité de faire les nœuds appropriés constitue un atout : tir à l'arc, pêche à la ligne, spéléologie, escalade et tours de magie, cerf-volant et lutte contre les incendies, plongée sous-marine, navigation à voile, soin des arbres.

 

Les randonneurs du dimanche et les amants de la nature, les automobilistes et les auxiliaires médicaux auraient avantage à garder en tout temps un bout de corde dans leur poche. Même les astronautes doivent parfois faire un ou deux nœuds, notamment pour traîner en apesanteur le matériel dont ils ont besoin lors de leurs sorties dans l'espace; en effet, les cordages constituent une charge utile beaucoup plus légère que les attaches métalliques sophistiquées. La plupart de ceux qui sont fascinés par l'univers des nœuds, si bien décrit au XIXe siècle par le scientifique et mathématicien Peter Guthrie Tait, n'hésitent pas à affirmer que le matelotage est une activité aussi agréable et satisfaisante que l'assemblage d'un casse-tête, la résolution d'une grille de mots croisés et la lecture d'un bon livre.

 

Pour ceux et celles qui, comme Tait (l'homme qui a également découvert les principes aérodynamiques de la balle de golf), cultivent une approche scientifique, même dans le cadre de leurs passe-temps, il y a encore beaucoup de choses à découvrir dans le domaine des nœuds, qui reste ouvert à l'innovation. Ainsi, l'inventaire informatique des nœuds n'en est-il encore qu'à ses balbutiements. Jusqu'à maintenant, toute tentative de répertorier, en élaborant une taxinomie complète (système de classification), les interrelations théoriques entre les milliers de nœuds existants et leurs innombrables permutations, s'est soldée par un échec. En outre, l'ergonomie pratique des nœuds, c'est-à-dire le comment et le pourquoi de leur fonctionnement, est encore mal comprise. La théorie des nœuds, qui est une approche purement mathématique (une géométrie tridimensionnelle un peu obscure), est un domaine de recherche relativement nouveau et en plein essor. « Les nœuds ne peuvent exister en quatre dimensions... mais ils peuvent être défaits en quatre dimensions», dit suavement Ronnie Brown, professeur de mathématiques au collège universitaire de North Wales. Un chercheur japonais a récemment utilisé des faisceaux lasers en guise de pincettes perfectionnées afin d'exécuter de minuscules nœuds avec des brins d'ADN. Loin d'être moribond, l'art des nœuds constitue un passe-temps très populaire et une science mise à profit par toutes sortes de gens. Chaque année, on invente de nouveaux nœuds, mais le répertoire de base remonte à des milliers d'années.

 

Les anciens Égyptiens faisaient de longs voyages en mer - les plus célèbres avaient pour destination le mystérieux pays de Punt - grâce à leurs connaissances en matière de cordages, de nœuds d'attache, de brêlages et de nœuds plats.

Les nœuds

 

Le répertoire des nœuds connus comprend plus de 4000 types de nœuds, ainsi que d'innombrables variantes et permutations. Cependant, nombre de professionnels et d'amateurs doués - ouvriers maritimes, pompiers, spécialistes responsables des arbres d'ornement ou membres d'une escouade policière entraînée à résoudre des prises d'otages - admettent ne connaître à fond que six nœuds. La plupart du temps, il s'agit du nœud plat, du nœud d'écoute, de la demi-clef à capeler, du tour mort et deux demi-clefs, du nœud en huit et du nœud de bois. Ces nœuds très utiles - un nœud d'attache, un nœud d'ajut, trois nœuds d'amarrage et un nœud d'arrêt - remontent tous à plus de mille ans et tous ont été élaborés à l'époque des cordages en fibres végétales. Il n'existe aucun autre domaine où des techniques aussi anciennes (oserais-je même dire dépassées) ne sont pas remises en question.

 

Le problème des cordages synthétiques apparut dans les années 1950 est que de nombreux nœuds jusque-là éprouvés ont soudain eu tendance à se défaire tout seuls. En effet, ces cordes artificielles nouveau genre, lisses et glissantes, offraient peu de prise et de friction. Les recommandations des fabricants, à l'époque, reprises depuis par de nombreux ouvrages spécialisés, étaient d'ajouter des tours et des boucles au nœud de base pour bien le verrouiller. Cette pratique a entraîné l'apparition d'assemblages hybrides bizarres et peu attrayants, alors qu'il aurait mieux valu trouver d'autres nœuds mieux adaptés aux fibres synthétiques.

 

Au cours des vingt dernières années, certains faiseurs de nœuds à l'esprit novateur ont conçu de nouveaux montages mieux adaptés aux cordages modernes (le nœuds vice versa en fait partie), qui ont par la suite été incorporés dans le répertoire des nœuds. D'autres ont ressuscité et réhabilité des nœuds tombés dans l'oubli ou sous-estimés, tel le nœud de chaise inuit, qui s'est révélé admirablement bien adapté aux cordages synthétiques. Comme Va si bien dit le célèbre faiseur de nœuds Clifford Warren, «les anciens nœuds tombés en désuétude qui resurgissent aujourd'hui retrouvent une seconde jeunesse et se révèlent très utiles».

 

Quelques termes utiles

 

Les nœuds peuvent être regroupés selon leurs formes et leurs fonctions. Ceux qui servent à abouter deux cordages se nomment nœuds d'ajut. Pour attacher une corde à un anneau, à une barre, à un espar, à un piquet, à un étançon ou à tout autre point fixe, on utilise un nœud d'amarrage. On préfère souvent les boucles fixes simples, doubles ou multiples aux nœuds d'amarrage, car elles sont plus solides. Les boucles coulissantes sont connues sous le nom de nœuds coulants. Pour empêcher un câble de ressortir d'une poulie, d'un chaumard, d'un orifice ou d'une fente pratiquée dans un accessoire, c'est le nœud d'arrêt qu'il faut employer. Pour les paquets, les bandages ou le col d'un sac, les nœuds d'attache sont tout indiqués. Parmi les groupes de nœuds moins courants, on trouve notamment les nœuds servant à raccourcir un cordage.

 

Les noms des nœuds

 

Certains nœuds n'ont pas de nom, mais la plupart en ont un. Certains sont descriptifs, comme le nœud en huit, certains évoquent une personne, comme le nœud d'arrêt d'Ashley, et d'autres font référence à l'usage ou la fonction de base, comme par exemple la boucle du pêcheur à la ligne et le nœud de milieu d'alpiniste. D'autres, enfin, sont énigmatiques ou bizarres comme le vice versa et le nœud de knute.

 

Même si la plupart des nœuds appartiennent à des catégories bien définies, leurs liens de parenté peuvent être difficiles à discerner pour le néophyte et il n'est pas rare que certains nœuds inclassables viennent ajouter à la confusion. Par ailleurs, chaque contrée pourrait avoir sa façon de désigner les nœuds. Ainsi, le nœud connu en français sous le nom de «jambe de chien » s'exécute de la même manière des deux côtés de la Manche, mais les Britanniques, eux, font référence au mouton (Sheepshank). Le nœud plat, également appelé nœud droit, est largement connu aux États-Unis sous le nom de nœud carré ; il a donc fallu trouver un équivalent américain pour l'autre nœud appelé nœud carré en Angleterre et en France.

 

Plusieurs nœuds ont plus d'un nom. Le nœud de double pendu est appelé nœud grinner par les pêcheurs à la ligne et le nœud de tisserand est en fait un nœud d'écoute. C'est en raison de cette nomenclature confuse que Desmond Mandeville, membre fondateur de la Guilde internationale des faiseurs de nœuds, concluait comme suit un poème où il exhortait les faiseurs de nœuds à l'esprit inventif de donner un nom à leurs créations:

 

Mais pire que ceux qui n'en ont pas,

Que dire de ceux auxquels on en connaît plusieurs.

 

La solidité

 

À l'époque où la fibre végétale n'avait pas de concurrents, il arrivait que des cordages se brisent sous le poids de charges trop lourdes. Il semblerait que la cassure survenait souvent tout près du nœud et on a conclu que les nœuds diminuaient la solidité des cordages dans lesquels ils étaient réalisés. Ainsi, un nœud simple ou demi-nœud réduit de plus de moitié la résistance à la rupture d'un cordage, ce qui explique pourquoi on dit souvent qu'il est efficace à 45%. Cela signifie que la résistance à la rupture d'un cordage dans lequel est confectionné un demi-nœud correspond à seulement 45% de la norme indiquée par le fabricant. Le nœud plat  a un effet d'affaiblissement comparable.

 

Les nœuds aux courbes moins abruptes et aux points de friction moins élevés se sont révélés moins dommageables. La demi-clef à capeler  et le tour mort et deux demi-clefs sont efficaces à au moins 70%, c'est-à-dire qu'ils réduisent la résistance à la rupture d'un cordage d'au plus 30%. Mais cela constitue tout de même un important pourcentage.

 

Clairement, lorsqu'une corde est susceptible d'être amenée près de son point de rupture, il faut choisir les nœuds les plus solides sur la base d'une analyse approfondie, d'une bonne expérience et d'un jugement éclairé.

 

Les cordages synthétiques modernes sont souvent si résistants, toutefois, que la solidité des nœuds est un facteur moins important qu'auparavant. En fait, les gens ont l'habitude (ce qui doit ravir les détaillants de cordages) de se procurer des cordages beaucoup plus gros que ne le nécessitent les activités auxquelles ils sont destinés, parce que ceux qui suffiraient à la tâche sont trop minces et donc moins faciles à manipuler. Malgré tout, lorsqu'il sera jugé utile de connaître la solidité d'un nœud par rapport à un autre, nous en ferons mention.

 

La sécurité

 

Certains des nœuds qui sont considérés comme solides lorsqu'ils sont soumis à une tension constante, comme le nœud de chaise, peuvent se révéler beaucoup moins fiables lorsqu'ils sont soumis à des secousses ou à des chocs intermittents. En d'autres mots, ils ne sont pas sûrs. La sécurité des nœuds doit donc se distinguer de leur solidité. Les matériaux lisses, glissants et visqueux, de même que ceux qui sont susceptibles d'être secoués ou poussés dans toutes les directions par le vent, les vagues ou autres turbulences exigent des nœuds sûrs.

 

Étant donné que le présent ouvrage décrit certains nœuds qui sont à la fois solides et sûrs, pourquoi s'intéresser aux autres ? Parce que, pour une tâche donnée, c'est le nœud le plus simple qui devrait être employé. En effet, on doit parfois effectuer les nœuds dans des conditions difficiles : dans l'obscurité, avec les mains engourdies par le froid, ou dans un état de fatigue physique et mentale extrême. Dans ces situations, ce sont la plupart du temps les nœuds simples et familiers qui sont les plus appropriés. Il arrive aussi très souvent qu'un nœud soit noué et dénoué par deux personnes différentes, et que la personne qui le défait doive y arriver en quelques secondes et de toute urgence. Pour toutes ces raisons, les faiseurs de nœuds prudents choisissent souvent les nœuds d'attache, d'ajut et d'amarrage les plus simples et les plus courants, qui constituent un compromis entre solidité et sécurité. Bien sûr, il y a des occasions où seul un nœud plus complexe fera l'affaire. Il ne faut alors pas hésiter à l'utiliser.

 

Les nœuds sont comme des outils. On peut utiliser une scie, un marteau ou un tournevis de façon inadéquate pendant toute une vie ; par contre, les vrais bricoleurs acquièrent autant d'outils différents qu'ils le peuvent, pour avoir à leur disposition exactement celui dont ils auront besoin au moment opportun. Les nœuds, contrairement aux outils, ne coûtent rien, ne pèsent rien (car ils se transportent dans la mémoire) et n'ont pas besoin d'être rangés dans un gros coffre.

 

La loi de la boucle, du nœud d'amarrage et de la ganse

 

Si vous glissez ou soulevez une demi-clef à capeler du piquet ou du point d'amarrage où elle est nouée, elle se défait et cesse d'exister. Un certain nombre de nœuds d'amarrage peuvent se défaire de cette façon. Certains nœuds à boucle se défont et disparaissent dès qu'on tire sur une ganse placée à un endroit stratégique. Tous les nœuds qui peuvent se défaire de cette façon, c'est-à-dire sans avoir recours à une extrémité, ont en commun une curieuse propriété. Ils peuvent être réalisés dans la ganse, c'est-à-dire sans faire intervenir le courant.

 

La confection de nœuds dans la ganse est une technique rapide qui relève presque du tour de passe-passe, qui donne toujours de bons résultats et qui se révèle parfois indispensable. En résumé, si un nœud peut se défaire dans la ganse, il peut aussi se faire dans la ganse. Cette loi naturelle a été énoncée par Harry Asher, chercheur à la retraite et membre fondateur de la Guilde internationale des faiseurs de nœuds, qui en a fait état pour la première fois dans A New System ofKnotting - Volume 2 (1986) et, plus tard, dans The Alternative KnotBook (1989). Cette règle qui semble aller de soi, comme bien des idées brillantes au stade de l'application, a permis aux amateurs de trouver des façons plus rapides de réaliser certains nœuds (et de renoncer quand ça n'en vaut pas la peine). Par exemple, les nœuds étrangleur et constricteur sont d'aspect similaire à bien des égards, mais le second peut être noué dans la ganse, au contraire du premier.

 

Trucs pratiques

 

•      Un nœud est soit réalisé correctement, soit complètement raté. Un passage omis ou effectué au mauvais endroit donne un nœud complètement différent de celui qui était visé ou pas de nœud du tout. Des nœuds étroitement apparentés peuvent avoir des qualités opposées. Par exemple, un simple passage différencie le nœud d'écoute du nœud de voleur, assemblage peu équilibré (il ressemble à s'y méprendre au nœud plat, sauf que les deux extrémités émergent des deux côtés opposés). Comme dans le roman L'étrange cas du Dr Jekyll et de M. Hyde, de Robert Louis Stevenson, voilà deux nœuds semblables, dont l'un est très fiable et l'autre hautement instable.

 

•L'efficacité d'un nœud est étroitement liée à la qualité du cordage dans lequel il est pratiqué. Les sandows, cordages élastiques employés pour le saut en bungee, ne conviennent pas pour certains nœuds pourtant considérés comme fiables, comme le nœud de chaise, mais ils sont idéaux pour d'autres, comme la boucle du pêcheur à la ligne et le vice versa. L'important est donc de trouver le nœud approprié non seulement à l'activité projetée mais aussi au matériau utilisé.

 

•      Très peu de nœuds (le nœud plat en fait partie) peuvent être serrés en tirant simplement sur les deux extrémités du cordage. Beaucoup d'autres doivent être façonnés et mis en forme, puis serrés petit à petit afin de réduire le mou (jusqu'à ce qu'on ne puisse plus voir la lumière du jour à travers les divers brins du nœud). Ce n'est qu'en tout dernier lieu qu'on peut tirer sur les bouts pour serrer ; même à cette étape, il faut procéder de façon uniforme, en resserrant tour à tour chacun des brins émergeant du nœud, quel qu'en soit le nombre (le nœud de chaise double avec le double en compte six). Ainsi, pour chaque nœud, il faut bien ajuster, puis serrer.

 

•      Apprenez à faire des nœuds dans le noir, car dans la réalité, il faut souvent exécuter des nœuds dans ce genre de conditions difficiles.

 

•      Pour les mêmes raisons, défaire un nœud peut se révéler un défi de taille. Apprenez donc à reconnaître les nœuds au toucher, les yeux fermés, et à les dénouer ainsi.

 

•      Même si l'on n'atteint pas la perfection à tout coup, il est certain qu'en s'entraînant, on apprend. Chaque fois que vous maîtriserez l'exécution de l'un ou l'autre des nœuds se trouvant dans le présent livre, répétez l'opération le plus souvent possible pour faire passer la méthode de votre mémoire à court terme à votre mémoire à long terme (un moyen efficace de vous perfectionner consiste à montrer à quelqu'un d'autre comment confectionner le nœud). Ce n'est qu'à ce moment-là que vous pourrez être sûr de vous en souvenir lorsque vous en aurez besoin la semaine suivante, l'année suivante ou dans vingt-cinq ans.

 

Tout nœud vraiment maîtrisé est su pour la vie. Un nœud oublié n'avait jamais vraiment été assimilé. Une bonne capacité à retenir les nœuds n'est pas un don, mais une récompense pour la curiosité, l'intérêt et l'engagement actif manifestés au cours de la période d'apprentissage. Alors, ne perdez pas une minute. Vous verrez, les nœuds, c'est très attachant!

 

 

 

 

 

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