La plus vieille chaussure d'Eurasie

 

 

Le mocassin de cuir trouvé dans la grotte arménienne d'Areni-1 (voir carte ci-dessus) est fait d'une peau de vache percée de trous sur ses bords, puis tendue autour d'un pied grâce à un lacet de cuir.

 Découvert dans une grotte d'Arménie, un mocassin de plus de 5 500 ans confirme que la plus ancienne méthode pour se chausser consiste à tendre une pièce de cuir autour du pied à l'aide d'un lacet passé dans des trous.

 La marche blesse le pied, et vous disposez de cuir. Que faites-vous ? Vous enveloppez vos pieds ! Une peau de vache conformée en chaussure prouve que cette technique se pratique en Eurasie depuis 5 500 ans au moins.

 L'objet a été retrouvé par Diana Zardaryan, une jeune archéologue de l'Institut d'archéologie d'Arménie, dans la grotte d'Areni-1 située dans la province de Vayots Dzor. Des « Arméniens » de la première moitié du IVe millénaire avant notre ère y avaient installé tout un habitat, incluant des espaces à vivre et rituels ainsi qu'une étable.

 D. Zardaryan a retrouvé la chaussure disposée à l'envers sous une céramique retournée et en compagnie de diverses cornes, au fond d'une petite fosse peut-être aménagée comme espace de rangement. La dessiccation causée par les épaisses couches d'excréments de mouton qui recouvraient la chaussure explique sa conservation exceptionnelle ainsi que celle de l'herbe dont elle fut bourrée afin de maintenir sa forme. Sa datation au radiocarbone révèle qu'il s'agit de la plus ancienne chaussure de cuir jamais retrouvée en Eurasie, puisque les chaussures de l'homme des glaces Ötzi sont quelque 300 ans plus jeunes.

 La chaussure est manifestement conformée pour envelopper un pied droit de pointure 37, plus probablement celui d'une femme que celui d'un homme. Sa forme est maintenue grâce à une lanière de cuir assez tendue pour rapprocher et entremêler les œillets, larges de 0,6 à 1,5 millimètre, qu'elle traverse. La fleur du cuir (l'ancien épiderme) constitue l'intérieur de la chaussure dont les parois font un peu plus de deux millimètres d'épaisseur.

 La chaussure d'Areni-1 n'inaugure sans doute pas l'art de se chausser. Dans la grotte de Fontanet, en Ariège, a été découverte une empreinte humaine vieille de 12 000 ans, donc d'époque magdalénienne. Or cette empreinte était sans traces d'orteils. Elle a été imprimée dans une calcite meuble, où d'autres marcheurs ont laissé des empreintes comportant des impressions d'orteils. Cela suggère que l'individu auquel appartenait l'empreinte sans traces d'orteils portait une sorte de mocassin souple.

 Pour sa part, Erik Trinkaus, de l'Université de Washington à Saint Louis, aux États-Unis, a examiné la question du port de chaussures à l'époque préhistorique sous l'angle anatomique. En analysant la biomécanique de la marche, il a déduit que le port de chaussure empêche le petit orteil d'assumer sa (petite) part de la réaction du sol pendant la marche. L'examen anatomique de l'évolution des phalanges de petits orteils a mis en évidence qu'elles sont devenues de plus en plus graciles au cours d'une période allant du début du Paléolithique supérieur (de –35 000 à –8 000 avant notre ère) à l'époque moderne ; en outre, cette tendance à la gracilité s'accentue après la glaciation alors que les Européens, vivant en climat froid, devaient vraisemblablement se protéger les pieds du froid : cela suggère que des semelles ont alors été intégrées aux chaussures. Ainsi, le mocassin d'Areni-1 n'est pas la première chaussure, mais, dans sa simplicité, il illustre sans doute le premier et le plus répandu des systèmes inventés au cours de la préhistoire pour se chausser.

 

 

 

 

 

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