Le Geai bleu

Photo d'un Geai bleu

L'appellation scientifique du Geai bleu (Cyanocitta cristata) réunit des mots grecs et latins qui signifient " oiseau bleu, huppé, jacassier ". Véritable sentinelle, il avertit, de ses cris sonores, les autres oiseaux et les mammifères de la présence du chasseur, animal ou être humain, qu'il prive ainsi de sa proie.

Ce cri, un retentissant djé-djé, est bien connu des promeneurs des forêts de l'est de l'Amérique du Nord. De l'avis de l'ornithologue W.M. Tyler, " C'est le cri du Geai bleu, plus que son brillant coloris, qui attire l'attention. Impossible de se promener longtemps au grand air — en forêt, en pleine campagne ou en banlieue — sans l'entendre. À la moindre alerte, il lance son cri. Il arrive souvent qu'un oiseau solitaire crie, sans raison apparente, tout comme l'écolier qui se plaît à faire du bruit. À l'automne surtout, ce djé-djé retentit partout. " L'éminent écrivain américain, Henry David Thoreau, l'a décrit en ces termes : " Un cri incessant qui vous glace le sang dans les veines ". Le Geai bleu a d'autres chants, dont un sifflement voilé, musical — klou-lou-lou — et un doux gazouillis entendu durant la saison des amours.

Aire de répartition

Le Geai bleu, qu'on retrouve un peu partout dans le sud du Canada et jusqu'au Texas et en Floride, ne fait que de rares apparitions dans les plaines. Il se reproduit dans les forêts mixtes du centre de l'Alberta, de la Saskatchewan et du sud du Manitoba, du centre et du sud de l'Ontario, du sud du Québec, de Terre-Neuve, du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse. Aux confins septentrionaux de l'aire de répartition, on rencontre aussi le Mésangeai du Canada (Perisoreus canadensis), mais ce dernier est un oiseau qui se reproduit beaucoup plus au nord, jusqu'à la limite des arbres. Dans le centre de la Floride, on trouve également le Geai à gorge blanche (Aphelocoma coerulescens). À l'ouest des Rocheuses, le Geai de Steller (Cyanocitta stelleri) remplace le Geai bleu. Il a à peu près les mêmes moeurs. Les habitants de la Colombie-Britannique l'appellent " Geai bleu ", mais il a en fait un coloris d'un bleu plus foncé que son homonyme de l'Est, et son plumage n'est pas tacheté de blanc.

carte montrant la répartition du Geai bleu

Autres espèces

Le Geai bleu appartient à la famille des Corvidés, qui compte une centaine d'espèces, dont le Grand Corbeau, le Corbeau freux, le Choucas, la Corneille d'Amérique, la pie et le geai. Les plus grands passereaux font aussi partie de cette famille, qui est répandue un peu partout dans le monde, mais surtout dans l'hémisphère nord. Ses origines remontent à très loin : des fossiles des Corvidés ont été retrouvés dans des dépôts miocènes vieux de 25 millions d'années.

Description et moeurs

Les Corvidés mâles et femelles se ressemblent presque à s'y méprendre, et les deux compagnons construisent le nid et soignent les petits. La plupart des corvidés sont sédentaires, mais certains se déplacent souvent par petits groupes, après l'époque de l'accouplement. Leurs habitudes d'omnivores les rendent audacieux et agressifs. Ainsi ils détruisent souvent les oeufs et les oisillons d'autres espèces d'oiseaux. C'est pourquoi la loi ne protège pas certains d'entre eux, à l'exception du Geai bleu, qui fait habituellement l'objet de mesures de protection provinciales.

Le Geai bleu est un peu plus grand que le Merle d'Amérique et mesure environ 30cm d'une extrémité à l'autre. Il a la face blanche et la huppe, le manteau, les ailes et la queue bleus, parsemés de points noirs et blancs. La huppe, formée des longues plumes de la calotte qu'on trouve chez de nombreux geais, se dresse ou s'abaisse selon l'humeur de l'oiseau. Lorsque celui-ci est très excité ou agressif, la huppe bleue se hérisse en une pointe saillante. Toutefois, lorsqu'il se nourrit en compagnie d'autres geais, lorsqu'il s'apprête à fuir ou lorsqu'il se repose, la huppe est aplatie sur la calotte, ce qui donne à l'oiseau un air tout différent, comme ébouriffé. Comme le faisait remarquer l'ornithologue W.J. Long : " Lorsque le geai est satisfait de ce qu'il voit, entend ou fait, la huppe se relève, droite, avec toutes les plumes lisses, et donne ainsi l'impression qu'il s'agit d'une seule plume. Lorsqu'il est fort surpris ou excité, sa huppe s'incline vers l'avant. Lorsqu'il a peur, elle se déploie comme un écouvillon. " La position de la huppe révèle donc l'humeur de l'oiseau. Lorsque la huppe du Geai bleu se dresse, son pourtour est accentué par une raie noire qui lui couvre l'arrière de la tête et prolonge le large collier de sa poitrine.

Le promeneur, apercevant une plume de geai par terre, ne peut s'empêcher de la ramasser: son intense bleu cobalt ou azur attire, à cause du contraste inattendu qu'il présente avec le brun des feuilles ou le vert de l'herbe. Mais la pigmentation bleue n'existe pas chez les oiseaux. Cette impression provient de la réfraction de la lumière par la structure interne de la substance des plumes. Si l'on froisse celles-ci, le bleu disparaît. Il est fréquent de trouver des plumes vers la fin de l'été, car les oiseaux adultes muent complètement de juin à septembre. Durant la mue, les Geais bleus procèdent au " formicage ", expression qui sert à désigner l'application de fourmis ou de leurs excrétions sur les plumes, pour les rendre lisses. Il arrive souvent que les Geais bleus, dans leur ardeur à appliquer avec leur bec des fourmis sous leurs ailes, trébuchent sur leur propre queue. Selon une hypothèse récemment formulée, ce comportement serait causé par l'irritation de la peau pendant la croissance des nouvelles plumes. Il se peut que les excrétions des fourmis soulagent cette irritation. Une variété de substituts tels que les fruits, le tabac, la moutarde et le vinaigre peuvent aussi inciter le geai au formicage. Un amateur qui avait apprivoisé des Geais bleus en possédait un qui utilisait du jus de divers fruits, amers ou acidulés, et même de la lotion capillaire. Un deuxième geai n'employait que de la lotion, et un troisième touchait ses plumes d'une cigarette allumée. Cet étrange comportement mérite une étude plus approfondie. Toute observation quant au formicage de n'importe quelle espèce d'oiseau vaut la peine d'être signalée à un magazine ou à une revue d'histoire naturelle.

S'il faut en juger par la foule d'épithètes qu'on lui donne, le Geai bleu est la coqueluche d'un bon nombre de personnes. Ainsi, il peut être audacieux, amusant, beau, tapageur, finaud, drôle, résolu, hautain, insolent, indépendant, curieux, enjoué, indiscipliné, espiègle, rebelle, ingénieux, pétulant, vaillant ou méchant. Seul un oiseau vivant dans le voisinage des humains peut s'attirer autant de qualificatifs, dont certains sont passablement élogieux. Le Geai bleu s'est vite habitué à cette proximité; dans toute son aire de répartition, il recherche généralement les régions habitées, pourvu qu'il y ait des arbres. Il affectionne moins les régions sauvages. Dans les bois, il est généralement plus circonspect que dans les villes, où il est presque apprivoisé. Certains geais reviennent fidèlement chaque hiver se nourrir à une mangeoire qu'ils affectionnent. Comme le baguage a révélé que certains vivent de 10 à 15 ans, il est relativement facile d'apprivoiser ces visiteurs assidus.

Régime alimentaire

Un tableau bien connu du naturaliste américain J.J. Audubon fait voir trois geais animés, en train de se gaver d'oeufs d'une autre espèce d'oiseau. À certains moments, les oeufs et les petits des autres espèces d'oiseaux constituent une partie importante du régime alimentaire des geais. Toutefois, ceux-ci mangent surtout des végétaux, tels que les fruits sauvages, les glands, les noisettes, les faînes, le maïs et d'autres céréales, ainsi que toutes sortes d'insectes, contribuant ainsi largement à la lutte contre la chenille connue sous le nom de livrée. Au début de l'été, un couple de geais peut nourrir ses oisillons de centaines de nymphes de cet insecte nuisible. Les parents retirent les nymphes des cocons résistants et soyeux et en emportent plusieurs à la fois dans leur bec. En détruisant ces cocons, les Geais bleus empêchent l'éclosion, au printemps suivant, de milliers d'oeufs de lépidoptères.

Comme tout oiseau à régime presque omnivore, le Geai bleu possède un gros bec capable de percer les cocons ainsi que les glands, les noix et autres fruits à écorce dure. Il emporte souvent des glands et des faînes pour les cacher sous des feuilles, dans l'herbe ou dans des arbres creux. Les Geais bleus qui hivernent emportent souvent de la nourriture prise dans des mangeoires, surtout du pain et des graines de tournesol, afin de les enfouir dans le sol ou la neige. Ils les retrouvent plus tard et les mangent. Si vous voulez attirer les Geais bleus, garnissez votre mangeoire d'arachides, de grains mélangés et surtout de graines de tournesol. Les oiseaux semblent prendre plaisir à tenir sous leurs pattes la cosse d'une graine ou l'enveloppe d'une arachide pendant qu'ils la brisent avec leur bec pour en retirer l'intérieur.

Habitat et comportement pendant la nidification

Le Geai bleu occupe toute une variété d'habitats dans son aire de répartition, depuis les pinèdes de la Floride jusqu'aux forêts de conifères du nord de l'Ontario. Il préfère les forêts mixtes et décidues aux forêts denses, surtout lorsque s'y trouvent des hêtres, des coudriers et des chênes. Il construit un nid volumineux, d'un diamètre d'environ 18cm, fait de brindilles et de divers autres matériaux comme les lichens, la mousse, l'herbe et le papier. La cuvette du nid, d'un diamètre de quelque 10cm, est moulée avec de la boue et tapissée de radicelles et de plumes. Avant de s'établir dans un nid définitif, l'oiseau construira plusieurs nids provisoires durant sa parade rituelle. Les nids sont situés de 3 à 10m au-dessus du sol, dans un arbre ou un arbrisseau. Le Geai bleu niche souvent dans des endroits habités, parfois près des bâtiments. Pendant la saison de nidification, notamment dans les parties les plus isolées de son aire, il peut être tranquille et discret, même à proximité de son nid.

Comme chez de nombreuses espèces où le mâle nourrit la femelle couveuse, les Geais bleus font un embecquement rituel, qui débute avant la construction du nid et continue pendant la ponte et la couvaison. Il arrive que la femelle couveuse soit nourrie au nid, mais, plus souvent, elle rejoint le mâle dans un arbre voisin. Elle prend alors la position suppliante d'un oisillon, et le mâle la nourrit. On a aussi observé des rituels de groupe où plusieurs geais sautillent de branche en branche, mais on n'en sait pas beaucoup plus long sur leurs habitudes d'accouplement.

Une couvée compte quatre ou cinq oeufs. D'une couvée à l'autre, la couleur des oeufs peut varier du jaune clair au verdâtre ou au bleu tacheté ou parsemé de brun. La couvaison dure de 16 à 18 jours. À l'éclosion, les oisillons sont absolument nus et sans ressources. Cela ne les empêche pas, à certains signaux, surtout au bruit d'un oiseau qui se pose sur le bord du nid, de lever la tête, le bec ouvert, prêts à recevoir la nourriture de leurs parents. Dix-sept jours plus tard, ils sont couverts de plumes et prêts à quitter le nid. Avant d'avoir 21 jours, ils ont normalement toutes leurs plumes et ont même déjà quitté le nid et appris à voler. Environ trois semaines plus tard, ils commencent à s'alimenter seuls, mais ils continuent de suivre leurs parents, qui leur donnent la becquée de temps en temps, un ou deux mois encore, parfois jusqu'à ce qu'ils aient quatre mois.

Le Geai bleu est partiellement migrateur et certains hivers, il quittera les parties les plus reculées du nord de son territoire pour s'installer à quelques centaines de kilomètres au sud. Il voyage de jour, sans se presser, habituellement en volées de 5 à 50 oiseaux ou plus. On a parfois aperçu 3,000 geais migrateurs en une seule journée au parc national de la Pointe-Pelée, où ils se rassemblent avant de traverser le Lac Érié.

Le Geai bleu se reconnaît de loin à son vol assez aisé : le corps et la queue forment une ligne droite; les battements d'ailes sont lents mais le font pourtant avancer à une vitesse respectable.

Il ne faut pas détruire le Geai bleu en prétextant qu'il dévore parfois les petits des autres oiseaux, car il joue un rôle important en limitant le nombre de certaines populations d'oiseaux et d'insectes nuisibles. De plus, c'est un séduisant oiseau de nos forêts et de nos villes. Comme le dit si bien Audubon, " Ses mouvements en vol sont des plus gracieux. Alors qu'il voltige d'arbre en arbre, ses ailes et sa queue déployées, d'une couleur et d'une forme si belles, ne manquent jamais de réjouir l'observateur. "

Ouvrages à consulter

  • Delaunois, A. 1990. Les oiseaux de chez nous. 2 éd. rev. et corr. Éd. Héritage inc. Saint-Lambert (Québec).
  • Godfrey, W.E. 1986. Les oiseaux du Canada. Éd. rév. Musée national des sciences naturelles, Musées nationaux du Canada. Éd. Broquet inc. La Prairie (Québec).
  • Savage, C. 1985. Ces merveilleux oiseaux du Canada. Éd. La Presse. Montréal (Québec).

 

Publié en vertu de l'autorisation du ministre de l'Environnement
© Ministre des Approvisionnements et Services Canada, 1973, 1979, 1980, 1988, 1993
N° de catalogue CW69-4/22-1992F
ISBN 0-662-97315-1
Texte: R.W. Nero
Révisé par R.W. Nero, en 1986 et 1991
Photo: Tony Beck

 

 

 

 

 

 

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