Inductance
Dans cette section, nous étudierons une des propriétés les plus importantes des enroulements. Cette propriété, appelée inductance, permet d'évaluer les tensions induites dans les bobines de même que la quantité d'énergie qu'elles emmagasinent.
L'inductance joue un rôle important dans les circuits à courant continu et à courant alternatif, si bien que tous les domaines de l'électrotechnique sont affectés par cette propriété de base.
Cette section mérite donc une attention toute particulière.
Inductance mutuelle - le henry
Considérons deux bobines A et B plus ou moins rapprochées (Fig. 19-1).
Figure 19-1 La variation de courant dans l'enroulement A induit une tension dans l'enroulement B. C'est le phénomène de inductance mutuelle
La bobine A est parcourue par un courant I, ; elle crée donc un flux θa dont une partie θb «accroche» les spires de la bobine B.
Lorsque le courant Ia varie, le flux θb varie; donc, d'après la loi de Faraday, une tension est induite entre les bornes de la bobine B. La valeur de la tension est donnée par l'équation 18-2, soit :
(19-1)
Si le circuit magnétique n'est pas saturé, toute variation de courant ΔIa produit une variation de flux Δθb proportionnelle à ΔIa, ce qui permet d'écrire l'équation:
(19-2)
dans laquelle k est un simple facteur de proportionnalité.
En substituant (19-2) dans (19-1) on obtient :
c'est-à-dire
(19-3)
Par définition, le facteur M, nommé inductance mutuelle des deux bobines, donne le rapport entre la tension induite dans une bobine et le taux de variation du courant dans l'autre.
Ce coefficient dépend du nombre de spires des bobines, de leur position relative et des caractéristiques du circuit magnétique qui les relie. L'inductance mutuelle de deux bobines augmente:
(1) si l'on augmente le nombre de spires,
(2) si on les rapproche l'une de l'autre,
ou (3) si on les relie par un noyau magnétique.
L'unité SI d'inductance mutuelle est le henry (symbole H). L'inductance mutuelle de deux bobines est de 1 henry si une variation de courant de 1 ampère par seconde dans l'une induit une tension de 1 volt dans l'autre.
Exemple 19-1
L'inductance mutuelle des enroulements A et B de la Fig. 19-1 est de 3,7 henrys.
Figure 19-1 La variation de courant dans l'enroulement A induit une tension dans l'enroulement B. C'est le phénomène de inductance mutuelle
Quelle est la valeur moyenne de la tension induite dans la bobine B lorsquele courant dans la bobine A, décroît de 7 A à 3 A en 2 secondes ?
Solution
Variation de courant ΔI = (7A - 3A) = 4A
Durée de la variation Δt = 2 s
Inductance mutuelle M = 3,7H
En appliquant la formule 19-3, on trouve:
= 3,7 x (4/2) = 7,4V
On remarquera que ce n'est pas le courant dans la bobine A qui engendre une tension dans la bobine B, mais bien la variation de flux (produite par la variation du courant) qui donne naissance à cette tension.
Cependant, en pratique, une formule donnant la tension induite dans une bobine en fonction de la variation du courant dans une autre est plus utile qu'une équation faisant intervenir le flux.
En effet, il est plus facile de mesurer et de suivre les variations d'un courant que les variations d'un flux.
L'inductance mutuelle de deux bobines demeure la même, quelle que soit la bobine qui est alimentée. C'est d'ailleurs une propriété de l'ensemble des deux bobines tout comme leur masse ou leur couleur.
Self-inductance
Considérons la bobine de la Fig. 19-2 portant un courant 1 et produisant un flux θ.
Figure 19-2 La variation du courant I dans la bobine induit une tension entre ses bornes. C'est le phénomène de la self-inductance
Si le courant varie d'un montant ΔI, cela produira un changement correspondant de flux Δθ.
Cependant, une variation de flux à l'intérieur de la bobine induit une tension entre ses bornes. Nous en venons à la conclusion que le courant variable dans une bobine induit une tension entre ses propres bornes. C'est le phénomène de self-induction.
La tension induite dépend du nombre de spires de la bobine, de sa forme et du taux de variation du courant. Par analogie avec l'induction mutuelle, la valeur de la tension induite est donnée par l'équation:
(19-4)
où
E = tension induite,
en volts [V]
L = self-inductance de la bobine, en henrys [H]
ΔI = variation du courant, en ampères [A]
Δt = durée de la variation, en secondes [s]
La self-inductance L donne la relation entre la tension induite dans une bobine et le taux de variation du courant qui la parcourt.
Comme pour l'inductance mutuelle, l'unité SI de self-inductance est le henry.
Une bobine possède une self-inductance de 1 henry si une tension de 1 volt est induite lorsque le courant qui la parcourt varie à un taux de 1 ampère par seconde. Notons que le terme self-inductance est habituellement connu sous le nom abrégé d'«inductance».
La Fig. 19-3 montre une inductance de 18 mH pouvant porter un courant de 6400 A.
Figure 19-3 Inductance de lissage de 18 mH, 6400 A. c.c. servant de filtre pour l'alimentation des électro-aimants de guidage du synchrotron à protons du CERN, à Genève. Pesant 35 tonnes et refroidie à l'eau, cette inductance élimine les ondulations du courant pour toute fréquence comprise entre 50 Hz et 3000 Hz
Exemple 19-2
Une bobine ayant une inductance de 2H est parcourue par un courant de 5A lorsqu'elle est raccordée à une pile de 4V (Fig. 19-4).
Figure 19-4
a. Le courant initial dans une bobine est de 5A, la tension à ses bornes est de 4V.
b. Lors de l'ouverture du circuit, le courant diminue rapidement, ce qui induit une tension de 100 V entre les bornes 1 et 2.
Calculer la valeur moyenne de la tension induite si le courant est interrompu en 0,1 s.
Solution
En appliquant la formule (19-4) on trouve :
E = L (Δi / Δt) = 2 x ((5 - 0) / 0.1) = 100V
On remarque que la tension induite (100 V) est de beaucoup supérieure à la tension de la pile (Fig. 19-4b).
Polarité de la tension induite
La bobine de la Fig. 19-5 est branchée à une source de courant G qui lui fournit un courant I. Supposons que la résistance de l'enroulement soit rigoureusement nulle; il n'y aura donc aucune chute de tension et aucune perte Joule.
Dans l'analyse qui suit nous étudierons ce circuit pour trois conditions différentes :
a) le courant ne varie pas
b) le courant augmente
c) le courant diminue
Si le courant est constant, le flux est constant et aucune tension n'est induite (Fig. 19-5a).
Figure 19-5a Lorsque le courant ne varie pas, la tension entre les bornes est nulle.
Puisqu'il n'y a aucune chute de tension RI due à la résistance, la tension E aux bornes de l'enroulement est nulle. Lorsque le courant augmente (Fig. 19-5b), le flux augmente et une tension E est induite.
Figure 19-5b Lorsque le courant augmente, une tension est induite et la borne 1 est positive. La bobine agit comme une charge
Elle apparaît aux bornes de la bobine. D'après la loi de Lenz, la polarité de cette tension est telle qu'elle tend à s'opposer à la croissance du flux. donc à la croissance du courant I.
Par conséquent, si la tension induite agissait seule, elle produirait un courant i a opposé au courant I. Cela veut dire qu'à l'intérieur de la bobine, ia se dirigerait vers la borne 1. Par conséquent, la borne 1 est (+) par rapport à la borne 2. La tension E12 est donc positive (+).
Lorsque le courant diminue (Fig. 19-5c), le flux diminue et un flux croissant induite et une tension E12 est encore induite. La polarité de cette tension est telle qu'elle tend à s'opposer à la décroissance du courant I.
Figure 19-5c Lorsque le courant diminue, une tension est induite et la borne 1 est négative. La bobine agit comme une source
Par conséquent, si la tenon induite agissait seule, elle produirait un courant ib, dans le même sens que I. Afin de produire un tel cousant. il faut que la borne 2 soit (+) par rapport à 1. La tension E12 est donc négative (-).
En comparant les Fig. 19-5b et 19-5c, on constate que la polarité de la tension induite ne dépend pas du sens du courant I, mais de la façon dont il varie.
De plus, la tension induite tend à s'opposer au changement de courant dans la bobine. Il est important de réaliser que le vrai courant circulant dans le circuit est I; les courants ia et ib, sont des courants fictifs utilisés comme artifices pour déterminer la polarité de la tension E12 induite.
La polarité de la tension induite dans une bobine couplée à une autre peut être établie en suivant le raisonnement de l'exemple 18-2 de la section précédent Induction électromagnétique.
Énergie emmagasinée dans le champ magnétique d'une bobine
La polarité en soi n'a pas grand intérêt, mais si on l'associe à la direction du courant I, elle nous conduit à une découverte importante.
Ainsi, la Fig. 19-5b indique que lorsque le courant I augmente, il entre par une borne positive. La bobine se comporte donc comme une charge, absorbant une puissance instantanée de El watts pendant un certain temps.
Qu'arrive-t-il de cette énergie?
Puisque la bobine ne possède aucune résistance, l'énergie n'est pas dissipée sous forme de chaleur. Puisque le montage est immobile. i l n'y a aucune dépense d'énergie mécanique.
On conclut que l'énergie est emmagasinée dans le champ magnétique de la bobine, un peu comme on emmagasine de l'énergie mécanique lorsque l'on comprime un ressort. Dans le cas de la Fig. 19-5c, on constate que lorsque le courant I décroît, il sort par la borne positive.
La bobine se comporte alors comme une source fournissant de l'énergie au reste du circuit. Cette énergie provient du champ magnétique qui doit, par conséquent, décroître. Un enroulement peut donc emmagasiner et restituer de l'énergie comme le fait une batterie de piles. L'énergie est conservée dans le champ magnétique et elle augmente et diminue avec celui-ci.
L'énergie W conservée dans le champ magnétique est donnée par l'équation:
W = (LI²)/2 (19-5)
où
W = énergie dans le
champ [J]
L = inductance de la bobine [H]
I = courant dans la bobine [A]
Exemple 19-3
Une bobine possédant une self-inductance de 4 H est traversée par un courant de 40A (Fig. 19-6a).
Figure 19-6a Voir exemple 19-3
Calculer:
a) la valeur de l'énergie emmagasinée dans le champ magnétique:
b) l'énergie débitée par la bobine si le courant diminue de 40A à 30A:
c) la tension induite aux bornes de la bobine ainsi que la puissance débitée si cette diminution de 40,3% à 30A se fait uniformément en 20 millisecondes.
Solution
a) Pour un courant de 40A, l'énergie conservée dans le champ vaut:
W1 = 1/2 LI² = 1/2 x 4 x 40² = 3200J
b) Lorsque le courant tombe à 30A, l'énergie conservée dans le champ devient:
W2 =1/2 LI² =1/2 x 4 x 30² =1800J
La bobine a donc débité une énergie de:
W = W1 - W2 = 3200 -1800 = 1400J
Cette énergie est retournée au circuit sur lequel la bobine est branchée.
c) La tension induite aux bornes est:
La puissance moyenne débitée par la bobine est :
P = énergie/temps = 1400J / 0,02s = 70 000 W = 70 kW
Les valeurs de E, I et P en fonction du temps sont montrées à la Fig. 19-6b.
Figure 19-6b Tension, puissance
et courant en fonction du temps, lorsque le courant diminue linéairement de 40A
à 30A.
Voir exemple 19-3
Mise sous tension d'un circuit inductif
Lorsqu'on applique une tension E sur une résistance R, le courant monte immédiatement à une valeur:
I = E / R
conformément à la loi d'Ohm.
La Fig. 19-7 montre le circuit et le graphique du courant en fonction du temps.
Figure 19-7 Graphique du courant dans une résistance en fonction du Temps lorsque l'interrupteur est fermé à t = 0
Qu'arrive-t-il lorsqu'on applique une tension constante E sur une bobine ayant une inductance L et une résistance nulle?
D'après l'équation 19-4 on a :
d'où
(19-6)
Comme E et L sont des constantes, l'équation (19-6) révèle que le taux de variation du courant est constant et égal à E/L. La Fig. 19-8 montre que le courant augmente uniformément avec le temps, à partir de l'instant de fermeture du circuit.
Figure 19-8 Graphique du courant dans une inductance (bobine ou spire) enfonction du temps, lorsque l'interrupteur est fermé à t = 0
Contrairement à une résistance, le courant ne plafonne pas et il augmente théoriquement sans limite. Cependant, en pratique, le courant ne peut pas augmenter indéfiniment car il y a une limite à ce que la source peut fournir.
Notons que si l'inductance était 10 fois plus grande, le taux de croissance du courant serait 10 fois plus petit. Par conséquent, le courant augmenterait 10 fois moins vite.
Exemple 19-4
Une bobine avant une résistance négligeable possède une inductance de 4H.
Déterminer la courbe du courant en fonction du temps si la bobine est branchée sur une source de 12V.
Combien de temps est requis pour atteindre un courant de 27A?
Solution Le taux de variation du courant est :
Le courant augmente à raison de 3 A/s (Fig. 19-9). Le temps requis pour atteindre 27A est de 9s.
Figure 19-9 Voir exemple 19-4.
Constante de temps
En pratique, une bobine possède toujours une résistance R et une inductance L. Supposons qu'on la branche sur une source de tension E.
Si la résistance agissait seule, on obtiendrait la courbe 1, soit I = E/R (Fig. 19-10). De même, si l'inductance agissait seule, on obtiendrait la courbe 2, soit ΔI/Δt = EIL.
Figure 19-10 Pour une bobine ayant une résistance R et une inductance L, la courbe 3 décrit la variation du courant en fonction du temps. Le temps lest la constante de temps de la bobine
La véritable courbe 3 du courant en fonction du temps suit une trace qui est asymptotique aux courbes 1 et 2.
La courbe 3 possède une forme dite exponentielle, forme que nous discuterons à la section suivante. La courbe exponentielle possède une caractéristique appelée constante de temps τ. τ est une lettre grecque qui se prononce «tau»
La constante de temps fournit une mesure du temps requis pour qu'une grandeur comme, dans notre cas, le courant I, atteigne sa valeur finale.
On peut démontrer que la valeur de τ est égale au temps requis pour atteindre la valeur finale de I si le courant augmentait au taux déterminé par l'inductance seule. La constante de temps correspond donc au point d'intersection des courbes 1 et 2. Il s'ensuit que la valeur de test donnée par l'expression:
τ = L / R (19-7)
ou 2 = constante de temps de la bobine ou du circuit [s]
L = inductance de la bobine ou du circuit [H]
R = résistance de la bobine ou du circuit [Ω]
Exemple 19-5
Une bobine ayant une résistance de 1Ω et une inductance de 4H est connectée à une source à c.c. de 12 V (Fig. 19-11).
Figure 19-11 Voir exemple 19-5
Calculer:
a) La valeur finale du courant
b) La constante de temps de la bobine
c) Les tensions, et ΔI/Δt au moment de la fermeture de l'interrupteur
d) Les tensions et ΔI/Δt lorsque le courant a atteint 8A
Solution
a) La valeur finale du courant est :
I = E/R = 12V / 1Ω = 12A
Lorsque le courant a atteint sa valeur finale, le flux ne change plus et la tension induite devient nulle.
Le temps requis pour atteindre la valeur finale dépend de l'inductance et de la résistance de la bobine : plus l'inductance est grande et plus la résistance est faible, plus le courant prend de temps à atteindre sa valeur finale.
b) La constante de temps est :
c) Le circuit de la Fig. 19-12 montre séparément la résistance et l'inductance de la bobine.
Figure 19-12 Circuit électrique équivalent au montage de la Fig. 19-11, montrant les composants R et L d'une bobine et la tension aux «bornes» de chaque élément
Cela permet d'analyser le courant et les tensions dans le circuit.
La tension de 12 V aux bornes de la bobine est composée de deux tensions : la chute E1 = RI dans la résistance R et la tension induite E2 = L ΔI/Δt. La tension E1 dépend de la valeur du courant I tandis que E2 dépend de son taux de variation.
Au moment de la fermeture, le courant est nul, mais il change rapidement:
E1 = 0 et E2 = 12 V.
Le taux de changement du courant à cet instant est:
d) Lorsque le courant atteint 8A, on a E1 = 8 V. Il s'ensuit que E2 = 4 V, car la somme (E1 + E2) doit rester égale à la tension de la source (12V). Le taux de changement du courant à cet instant est:
Forme de la courbe exponentielle
L'lorsqu'une grandeur Q (comme un courant ou une tension) suit une courbe exponentielle, sa variation en fonction du temps suit un trajet bien défini.
L'expression est donnée par la formule :
(19-8)
où
Q = valeur de la grandeur au temps t
Q1 = valeur initiale de la grandeur
Q2 = valeur finale de la grandeur
Qd =
Q2-Q1
t =
temps écoulé [s]
τ
=
constante de temps [s]
e =
base logarithmique (valeur = 2,718...)
Cette formule permet de
tracer toute courbe exponentielle à l'aide d'une calculatrice de poche.
Il est encore plus facile de tracer cette courbe en faisant appel à une grandeur dérivée de la constante de temps τ et appelée demi-temps T0.
La relation entre T0 et la constante de temps τ est donnée par l'expression:
(19-9)
En utilisant le demi-temps T0, on peut alors dresser un tableau universel donnant les valeurs de Q à des intervalles distincts, multiples de T0. Ces valeurs sont présentées au tableau 19-1.
En observant les valeurs successives du tableau 19-1, on notera qu'à chaque intervalle T0 la quantité Q augmente d'une valeur qui est la moitié de celle obtenue à l'intervalle précédent. C'est pourquoi T0 s'appelle le demi-temps.
On constate qu'après une période 6T0 la valeur de Q est (63/64) de Q2 ou 98,4 % de sa valeur finale. À toutes fins utiles, on peut considérer que c'est la valeur finale.
Noter que 6T0correspond à 4,2τ, soit environ 4 constantes de temps.
Exemple 19-6
Tracer la courbe du courant en fonction du temps pour la bobine de l'exemple 19-5, sachant que le courant initial est nul.
Solution
D'après la solution de l'exemple 19-5, on sait que Q1=0A, Q2=12A, τ=4s et Qd=(12-0)=12A.
Il s'ensuit que:
T0 = 0,7τ = 0,7 x 4 = 2,8s
Les valeurs du temps t et du courant correspondant sont choisies conformément au tableau 19-1, ce qui donne le tableau 19-2.
La courbe du courant en fonction du temps est montrée à la Fig . 19-13.
Figure 19-13 Courbe du courant en fonction du temps pour le circuit de la Fig. 19-11
Ouverture d'un circuit inductif